MDPH : comment l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) propose de transformer le modèle -« source média social »

L’Igas analyse les dysfonctionnements des maisons départementales des personnes
handicapées (MDPH) et formule une trentaine de recommandations techniques pour
améliorer leur qualité de service. Elle avance aussi deux hypothèses de
transformation de ces instances, dont l’une les rendrait « autonomes des conseils
départementaux ».
Près de vingt ans après la loi « handicap » de 2005 qui a créé les maisons départementales des
personnes handicapées (MDPH), l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) présente, dans
un rapport publié le 10 décembre, son analyse du traitement des demandes des usagers.
Délai de traitement
Sans surprise, l’Igas confirme les dysfonctionnements qui font l’objet de critiques régulières
des MDPH. Ainsi, ces structures « ne répondent pas suffisamment aux attentes des usagers, pour
lesquels le délai de traitement constitue le principal motif d’insatisfaction », avancent les auteurs.
Et si les MDPH « ont réussi à stabiliser le délai moyen de traitement des demandes (4,4 mois en
2022) par rapport à 2015 », il reste « supérieur à la norme légale de quatre mois, avec des
disparités qui restent à expliquer ».
Évaluation des demandes
Autre point noir : l’évaluation des demandes qui ne passe pas toujours par l’approche
pluridisciplinaire prévue par les textes. « L’expertise médicale tend encore à jouer un rôle
prééminent », soulignent les auteurs.
En outre, ils notent que les évaluateurs se fondent sur un formulaire de demande « mal compris
et insuffisamment renseigné par les usagers ». Ce qui les conduit à solliciter des pièces
complémentaires auprès des usagers, au détriment du délai de traitement.
Par ailleurs, ils doivent combiner des référentiels très complexes, ce qui suppose qu’ils soient
formés à cet effet.
Au final, l’évaluation se résume souvent à une appréciation des règles d’éligibilité. Elle s’opère
essentiellement sur dossier et accorde peu de place à l’échange avec les personnes
concernées.
Charge de travail
Les auteurs pointent aussi les faiblesses des outils de travail, en particulier le système
d’information harmonisé qui se déploie par pallier depuis 2015 et dont chaque « montée de
version engendre une charge de travail très conséquente ».
Le travail quotidien se caractérise alors « par une prédominance de la gestion papier et des
tâches à faible valeur ajoutée (numérisation, mise sous pli…) ».
Enfin, le pilotage par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est pointé du
doigt. « Les objectifs fixés dans les conventions avec les conseils départementaux et MDPH ne font
l’objet d’aucun suivi [et] seule une partie des indicateurs sont assortis de cibles », déplorent les
auteurs.
Ils jugent, plus globalement, que les moyens dont dispose la CNSA pour animer ce réseau,
restent très limités.
Recommandations
Pour améliorer le fonctionnement des MDPH, l’Igas formule une trentaine de préconisations
techniques portant sur les indicateurs, l’évaluation des demandes, les outils ou l’organisation
et le pilotage de l’instance
Les inspecteurs plaident notamment en faveur d’ « une approche souple de l’évaluation de la
demande dans un cadre pluridisciplinaire » qui privilégie la mobilisation des médecins en
expertise de second niveau.
Ils suggèrent aussi de compléter les missions de la commission des droits et de l’autonomie
des personnes handicapées (CDAPH) en lui confiant une fonction de supervision des pratiques
professionnelles des équipes d’évaluation et d’élaboration de la doctrine de décision.
Enfin, ils proposent de « rendre les notifications de droits intelligibles » et de développer
« l’information proactive » sur l’état d’avancement des dossiers (par SMS, mail…).
Transformation du modèle
Mais dans une réflexion plus prospective, l’Igas va plus loin en proposant deux « hypothèses de
transformation du modèle des MDPH ». Le premier consisterait à aller au bout de la logique de

branche, dans une recherche de performance accrue des organisations.
Il s’agirait de doter les MDPH d’un système de production leur permettant « d’atteindre l’objectif
du juste droit dans les bons délais ».
Cela passerait par « l’attribution du droit dans une approche industrielle ». Les processus
d’instruction, d’évaluation et de décision feraient l’objet de modèles homogènes et des
indicateurs communs de suivi de la production et des stocks seraient définis au niveau
national et produits « par un système d’information performant ».
En outre, la relation de service (accueil, aide aux démarches, appui à la mise en oeuvre et
accompagnement) ferait également l’objet d’une structuration type.
Côté gouvernance, ce modèle serait proche de celui qui régit les caisses de sécurité sociale :
la CNSA serait pilote du réseau des MDPH devenues « autonome[s] des conseils
départementaux ».
Une telle structuration en branche aurait l’avantage de « préserver la logique du guichet unique
tout en renforçant la capacité des MDPH à améliorer leurs délais et à assurer un traitement
équitable des demandes sur l’ensemble du territoire, répondant ainsi à deux sources
d’insatisfaction récurrentes », défendent les auteurs.
La MDPH comme « ensemblier »
À l’inverse, une autre hypothèse de transformation consisterait à « assumer une offre de service
différenciée et une responsabilisation élargie des acteurs d’aval ». La MDPH se concentrerait sur
l’attribution des droits les plus complexes (AEEH, AAH, PCH) et les droits plus simples (RQTH,
CMI, autres sous réserve d’instruction) seraient attribués par d’autres acteurs (Éducation
nationale, France travail…).
Ceux-ci verraient leur responsabilité accrue dans la mise en place des parcours : ils auraient à
renforcer leur intervention de premier niveau, accompagner les personnes, éclairer les MDPH
de leurs connaissances des situations, décliner opérationnellement les orientations génériques
notifiées et informer les MDPH des solutions retenues.
Quel que soit le point d’attribution, la MDPH, qui conserverait « une fonction de médiation, de
recours et de corde de rappel », serait ainsi positionnée dans un rôle d’ensemblier et de garante
du bon positionnement de chaque acteur pour améliorer le service rendu aux usagers.