Nommé à la présidence du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) en janvier 2020, Jérémie Boroy est reconduit dans ses fonctions par la ministre déléguée aux Personnes handicapées pour un second mandat 2023-2026. Annonce faite le 30 août 2023. En attendant la nomination des nouveaux membres, le président dévoile ses premières intentions et les grands chantiers pour les trois ans à venir. Renversant ?
H.fr : En un mot (un seul), votre cap pour les trois ans à venir ?
Jérémie Boroy : E-man-ci-pa-tion !
H.fr : Et plus en détails ?
JB : La feuille de route de la prochaine mandature est intense. Je pense aux nombreux chantiers ouverts par la Conférence nationale du handicap du 26 avril dernier et les précédents Comités interministériels du handicap, avec la mobilisation de tous les acteurs de notre pays autour de nos impératifs en matière d’accessibilité, la transformation urgente de l’offre médico-sociale avec les 50 000 nouvelles solutions promises et notre obligation de désinstitutionnalisation.
H.fr : D’autres priorités ?
JB : Nous aurons encore fort à faire pour permettre l’accès de tous à une vie amoureuse, intime et sexuelle, notamment en permettant l’expérimentation de l’assistance sexuelle. Ce que nous avons engagé lors de la mandature précédente pour concrétiser une accessibilité digne de ce nom des établissements d’enseignement supérieur sera poursuivi, tout comme nos réflexions sur les ressources nécessaires aux personnes handicapées pour vivre dignement, en suivant pour commencer la mise en œuvre en octobre 2023 de la déconjugalisation de l’AAH (allocation adulte handicapé).
H.fr : Quelle sera votre guide, votre ligne de conduite ?
JB : L’approche par les droits et l’application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies (CDPH).
H.fr : Quels sont les sujets qui font appel à votre expertise ?
JB : Ils sont vraiment nombreux : du développement des métiers de l’accompagnement et de l’accessibilité au déploiement de France services, en passant par l’accès aux soins, le projet de service public départemental de l’autonomie, l’accessibilité du logement et des transports, l’exercice des mandats des élus eux-mêmes confrontés à des situations de handicap, l’accessibilité du numérique, de la téléphonie et de l’audiovisuel, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris et l’accès à la pratique sportive, la création de France Travail et la réforme des ESAT (établissements et services d’aide par le travail), le développement des démarches et outils de communication alternative et améliorée (CAA), l’accès aux juridictions, la représentation et la visibilité des handicaps dans les médias, l’accessibilité de la communication publique et gouvernementale ainsi que de la propagande électorale et de l’expression des partis politiques et de leurs élus. Et bien d’autres encore…
H.fr : Et dans le domaine de l’école ?
JB : Cette réforme nécessitera que nous soyons collectivement et régulièrement engagés, pour que chaque enfant, quels que soient les éventuels handicaps, ait la garantie de trouver toute sa place dans l’environnement ordinaire de l’éducation, en mobilisant toutes les ressources encore nécessaires pour que cet environnement soit d’abord accessible et que la communauté éducative soit confortée et soutenue dans sa mission.
H.fr : Vous n’agissez pas seul, quels sont vos relais ?
JB : Nous avons noué un partenariat, essentiel, avec le réseau des hauts fonctionnaires au handicap et à l’inclusion grâce à notre collaboration quotidienne avec le secrétariat général du Comité interministériel du handicap, et le nouveau réseau des sous-préfets référents handicap et inclusion, ainsi que les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie. Mais il devra être conforté et renforcé.
Cette mandature nous conduira à nous rapprocher des usagers des MDPH dans les départements, à encourager les collectivités à installer des instances de concertation avec les représentants des personnes handicapées et les accompagner, à faciliter la participation des enfants et à impliquer les jeunes dans nos travaux.
H.fr : Au-delà des membres du CNCPH, comment ceux qui le souhaitent peuvent-ils contribuer à vos travaux ?
JB : Nous allons développer des consultations ouvertes pour permettre à davantage de personnes concernées de contribuer à nos propositions et prendrons toute notre part dans la création nécessaire d’observatoires sur l’accessibilité d’une part et sur les besoins d’autre part.
H.fr : Le futur CNCPH sera composé à 60 % de personnes handicapées, vous réclamiez 100 %. Un compromis acceptable ?
JB : Cette mandature sera celle de la mise en œuvre de la réforme qui change les règles du jeu de la représentation des personnes handicapées. Dans la nouvelle composition de notre instance, elles seront désormais représentées dans un collège qui sera majoritaire avec 60 % des membres. Avec le collège des familles qui accueillera 20 % des membres, les personnes concernées (les personnes handicapées et les familles) représenteront ainsi 80 % du total. C’est inédit et conforme à ce qui est attendu par les personnes concernées et leurs familles. Cette réforme est engagée et nécessitera d’être appuyée et accompagnée pour, je l’espère, ne plus revenir en arrière.
ndlr : Pour en savoir plus, le décret n° 2023-844 du 30 août 2023 définit les modifications apportées à la composition et au fonctionnement du CNCPH.
H.fr : Mais comment ne pas revenir en arrière ?
JB : Cela suppose de garantir l’accessibilité, sans exception, de toutes les étapes de nos travaux, des documents à consulter au débat en séance plénière en passant par l’élaboration de nos avis, pour que chaque membre puisse y prendre part sans contrainte. Les personnes handicapées ne veulent plus être dépossédées de leur propre participation à nos travaux, elles ne souhaitent plus que leur parole soit confisquée par d’autres qui se prétendent être leur porte-voix ou leur avocat sans avoir leur consentement.
H.fr : La liste des futurs est attendue dans les jours à venir. Une date ?
JB : Le comité de sélection est en plein travail (Lire : Ces 5 personnalités vont sélectionner les membres du CNCPH) pour élaborer la proposition qu’il remettra à la ministre, je ne peux pas m’engager à ce stade sur une date. Mais il nous importe que le CNCPH puisse être installé début septembre car les saisines nous attendent ainsi que la rentrée scolaire, et nos Universités d’été les 18, 19 et 20 septembre (lieu à déterminer).