source https://www.handicap.fr/MDPH : en 2024, des primo rendez-vous pour prendre le temps?
Comment s’y retrouver dans les méandres du handicap ? La mise en place d’un « primo rendez-vous » MDPH plus long et approfondi pour les nouveaux entrants prévue fin 2024 promet de changer la donne. Du temps réservé à l’usager pour tout comprendre ?
« Je viens frapper pour la première fois à la porte de ma MDPH. Comment m’y retrouver dans ce dédale de droits et de formalités inconnues, souvent qualifié de parcours du combattant. » Cette question, de nombreuses personnes confrontées pour la première fois au handicap se la posent. Le « primo rendez-vous » pourrait-il apporter une réponse ? Cette mesure annoncée par le gouvernement lors de la Conférence nationale du handicap d’avril 2023 promet d’être généralisée dans toute la France au plus tard en septembre 2024. Un « référent parcours » est également prévu qui doit accompagner le bénéficiaire tout au long de ses démarches. Alors « primo RV », de quoi s’agit-il ?
Un point approfondi
L’idée, c’est de proposer un point approfondi sur toutes les dimensions liées à la survenue et aux conséquences du handicap et les droits auxquels les personnes peuvent prétendre, d’un point de vue administratif, financier, au niveau du logement, des soins, de la retraite… Cet entretien permettrait de faire le point dès que les questions se posent, avant même l’ouverture de droits car certaines personnes qui sont à la frontière du handicap ne seront pas forcément éligibles. Mais tous ces « primo demandeurs » ont néanmoins besoin d’informations et doivent pouvoir être éclairés sur leur situation. «Ce premier rendez-vous proposera de balayer toutes les problématiques pour que la MDPH traite ce qu’elle peut traiter, pour ensuite, sur des points plus précis, informer et orienter vers des interlocuteurs plus experts sur tel ou tel sujet », précise Jean Dutoya, président de l’Association des directeurs de MDPH (ADMDPH)*. Ceci afin « d’éviter les effets rebonds, c’est à dire l’errance et le porte-à-porte entre les différents organismes (Caf, Assurance maladie, Education nationale…) sans vraiment savoir qui fait quoi et en faisant perdre du temps à chacune des parties et, en premier lieu, aux usagers ».
Jusqu’à maintenant, les nouveaux arrivants s’adressaient en effet au guichet de leur MDPH sans rendez-vous mais avec un niveau d’information moins approfondi et un temps accordé souvent court, de 10 à 20 minutes. Or, ce primo RV pourrait durer nettement plus longtemps, au minimum une quarantaine de minutes. « Notre demande, c’est que ces entretiens ne soient pas chronométrés, pour prendre le temps nécessaire de l’écoute, du dialogue et de la mise en relation, par exemple pour des parents qui viennent d’apprendre le handicap de leur enfant », poursuit-il.
Mais à condition d’avoir le budget
Selon une enquête réalisée au sein de l’association, 91 % des directeurs de MDPH sont volontaires pour mettre cette mesure rapidement en œuvre mais pas à n’importe quelle condition. Parmi les 1,7 million de personnes qui sollicitent les MDPH françaises chaque année, « un tiers sont des primo demandeurs et donc potentiellement concernés par ce nouveau dispositif. Il faut ainsi s’apprêter à accueillir de manière approfondie environ 500 000 personnes par an », explique Jean Dutoya. Cet engagement va donc exiger un renfort en personnel important, dûment formé. Il va falloir recruter et former, en masse, et pas n’importe qui ! « Par exemple, en Essonne, avec 30 000 demandes par an et donc potentiellement 10 000 primo demandeurs, il nous faudra plusieurs professionnels supplémentaires, illustre-t-il en tant que directeur de la MDPH 91. Cette mesure ne pourra donc en aucun cas être mise en place sans un budget dédié conséquent au niveau national. » Des arbitrages budgétaires sont prévus fin novembre 2023 par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Ce dispositif doit être déployé au national sans qu’une expérimentation ne soit prévue dans certains départements pour le moment.
Un doublon avec les CCAS en 1ère ligne ?
Est-ce la solution dans certains territoires, questionne Claude Boulanger, ancien président d’une CDAPH(Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) ? Selon lui, ces rendez-vous de « première ligne » sont déjà réalisés par les CCAS (Centres communaux d’action sociale), en charge de l’action sociale dans les communes. Ils proposent, notamment dans les territoires ruraux, un accueil au plus près de chez soi à toutes les personnes qui ont des difficultés à se déplacer au sein des MDPH faute de transport adapté, et aident déjà à la constitution des dossiers. Selon lui, une délégation de budget de la CNSA vers les CCAS serait plus efficace pour « faire vivre la proximité », comme cela existe déjà via des conventions. Par ailleurs, si un renfort de personnel est attendu, se pose également la question des locaux, « déjà saturés dans certaines MDPH ».
Ne pas confondre avec le Service public de l’autonomie
Cette future organisation interne des MDPH vient en parallèle du projet, pour 2025, de service public de l’autonomie (SPDA) (Lire : SPDA : un guichet unique handicap et autonomie en 2025?). « Primo RV et SPDAsont des rails qui se rejoignent totalement, et les MDPH sont d’ailleurs représentées au sein du comité d’orientation stratégique du SPDA », explique Jean Dutoya. Présent dans chaque département, ce guichet unique sera une sorte de « hub » qui réunira tous les acteurs de l’autonomie en un même point : Etat, collectivités, associations, agences régionales de santé, caisses d’allocations familiales, conseils départementaux… « Ce dispositif répond à un besoin de simplification sur le terrain », explique la CNSA. S’il y a donc certaines similitudes avec le primo RV, ils ne viendront en aucun cas se substituer aux MDPH où continueront d’être réalisées toutes les démarches en lien avec le handicap.